Apporter une perspective de genre à LMDF

L’importance de soutenir les femmes

Depuis 2009, LMDF a travaillé avec plus de 450 000 micro-entrepreneurs dont environ 317 000 de femmes. La raison de cette focalisation est simple : dans le monde entier, les femmes sont restées disproportionnellement exclues des services financiers.

Il existe un écart persistant entre les sexes en matière de possession de compte, avec seulement 65 % des femmes ayant des comptes dans des institutions financières contre 72 % d’hommes.1 Cet écart est plus important dans les économies en développement, et un écart s’est creusé en Afrique subsaharienne au cours de la dernière décennie.2 Les défis auxquels sont confrontées les femmes ont été accentués par la crise du COVID, les femmes étant représentées de manière disproportionnée dans l’emploi informel dans les pays en développement et les industries à prédominance féminine souffrant particulièrement pendant la pandémie.3 Pendant la crise du COVID, les femmes ont été plus susceptibles d’être licenciées et d’être impactées par des suppressions d’emplois, et ont également eu des alternatives limitées pour générer des revenus.4

Les défis que les femmes perçoivent sont mis en évidence par les données de 60 Decibels, qui montrent que les femmes du monde entier sont plus préoccupées que les hommes par le COVID. Les femmes sont plus préoccupées par le fardeau du remboursement, 24 % le considérant comme pire depuis la pandémie, contre 13 % pour les hommes. La vulnérabilité des femmes par rapport aux hommes s’est même reflétée dans la consommation alimentaire, 7 % de femmes de plus que les hommes notant des baisses de consommation alimentaire pendant la pandémie.

Compte tenu de cette vulnérabilité, soutenir les femmes au lendemain de la pandémie est particulièrement important. Le financement des femmes a toujours été reconnu pour ses effets d’entraînement importants qu’il peut avoir sur les familles et les communautés. Lorsque les femmes travaillent, elles réinvestissent 90 % de leurs revenus dans leur famille, contre 35 % pour les hommes.5 Les investissements que les femmes font dans l’alimentation, les soins de santé, l’amélioration de l’habitat et la scolarisation pour elles-mêmes et leurs enfants sont notables.6

Malgré cette orientation et la nécessité de soutenir les femmes, la proportion du portefeuille investi dans les femmes entrepreneures a diminué. Il a culminé à 82 % en 2018, a diminué à 72 % au début de la crise du COVID en 2020 et se trouve à 77 % aujourd’hui.

Le Fonds a analysé les raisons de ces changements et a constaté qu’il existe plusieurs facteurs contributifs :

  •  Le Fonds a travaillé avec plusieurs institutions qui se sont exclusivement concentrées sur l’entrepreneuriat féminin au cours de son histoire. Ces institutions ont été parmi les partenaires les plus performants de LMDF et se sont développées à un tel point qu’elles sont désormais en mesure de recevoir des financements d’autres parties à des taux très compétitifs et ont désormais quitté le portefeuille du Fonds.
  • L’exposition à l’Asie de l’Est, et au Myanmar en particulier, a diminué, et c’était un domaine où il y avait auparavant un certain nombre d’IMF fortement axées sur les femmes.

Il est encourageant de constater que la proportion moyenne de femmes soutenues par les institutions est restée relativement stable. La différence ne semble provenir que des grandes institutions axées sur les femmes qui quittent le portefeuille. Cependant, la sensibilisation ne devrait pas être le seul moyen de considérer l’exposition au genre d’un portefeuille. Le Fonds cherche à travailler avec des institutions qui ont intégré une perspective de genre dans toutes leurs opérations.

Cela nous a amenés à nous demander quelles mesures les institutions prennent pour s’assurer que les femmes sont soutenues. Nous avons examiné notre portefeuille sous l’angle du genre. Le défi 2X, une initiative mondiale visant à encourager la mobilisation de capitaux pour soutenir les opportunités pour les femmes dans les pays en développement, recommande d’utiliser quatre critères pour examiner les entreprises (ou dans le cas du Fonds, les entreprises de son portefeuille). Si l’un de ces critères est rempli, un investissement peut être classé comme éligible 2X.

L’entrepreneuriat est le domaine le plus difficile à analyser. Dans de nombreux cas, il existe des participations indirectes, ce qui rend difficile le calcul de la part de propriété féminine. Dans d’autres cas, l’actionnariat ou les membres peuvent être si divers et changer si fréquemment que cela n’a que peu de sens. Les données sont également limitées sur le nombre d’entreprises fondées par des femmes. Cela signifie que le score dans ce domaine est relativement faible, avec seulement 16 % remplissant cette catégorie, bien que cela puisse bien être une sous-estimation en raison du manque de données.

Le leadership est un domaine beaucoup plus prometteur pour le Fonds. 71 % des établissements ont été en mesure de respecter soit la proportion de femmes dans la haute direction, soit les exigences du conseil d’administration. En moyenne, 27 % des conseils d’administration étaient composés de femmes et 30 % d’équipes de direction. Cependant, la proportion de femmes PDG reste très limitée, ne constituant que 14 % du portefeuille. En fait, le portefeuille contient plus d’IMF avec un conseil d’administration entièrement masculin que d’institutions avec un PDG féminin. Fait intéressant, toutes les institutions dirigées par une femme, sauf une, sont basées en Asie.

L’emploi n’a pas pu être pleinement évalué car aucun indicateur de qualité n’est adopté dans le processus de diligence raisonnable du Fonds. Néanmoins, plus de la moitié des institutions emploient plus de 40 % de personnel féminin et le personnel féminin constitue en moyenne 44 % des employés. Il serait cependant très utile de recueillir des données supplémentaires permettant au Fonds d’examiner la qualité de l’emploi fourni et d’évaluer les mesures prises pour garantir l’égalité sur le lieu de travail.

En termes de consommation, bien que seulement 14 % des IMF du portefeuille déclarent explicitement avoir une vision et une mission axées sur les femmes, 67 % des institutions proposent des produits qui profitent de manière disproportionnée aux femmes.

Il est prometteur de voir que toutes les institutions du portefeuille LMDF ont adopté une certaine forme de perspective de genre. Il est encore plus prometteur de noter que plus des deux tiers répondent à plus d’un des critères 2X.

Lors d’une récente visite à la Maison de la Microfinance, Franz Fayot, Ministre de l’Economie a noté que « Donner aux gens le microcrédit est un instrument d’autonomisation très fort… Cela peut changer la vie des gens de fond en comble ». Les mesures prises par les institutions pour s’assurer qu’elles ont une approche sexospécifique soutiennent cette autonomisation.

1 UNCTAD
2 UNCTAD
3 UN Women
4 UN Women
5 UN.org
6 World Economic Forum